Dans la procession, des enfants bien en chair portent sur les épaules une plate-forme de bois surmontée d'une haute tour, un vrai donjon de château-fort, découpée dans une plaque de métal ou de carton ou de plastique, qui tangue et ondoie comme une flamme, pendant qu'un autre costaud la maintient d'aplomb par derrière, avec une longue perche. Un vieil homme sort de chez lui. Il fait face à la plaine. Mais, à tout moment, des morceaux du paysage se transforment. La mer remplace les champs. Les flots embués, agités, gris, se brisent sur le rivage. Trois palmiers alignés, avec une tige immense et une tête minuscule, demeurent au milieu de l'eau, oscillant, avant de disparaître à leur tour.
L'homme marche dans une rue encombrée ; il roule dans une petite voiture en verre ; on l'arrête.
Le procès est sur une scène vide, sans théâtre autour. L'instant d'après, un jeune acteur est substitué au vétéran en lourd manteau de laine pourpre. D'un plan à l'autre, les personnages modifient leur costume, les interprètes changent. La voix du metteur en scène invisible appelle Miss Mowcher, un témoin. La voix ordonne que la naine soit nue. Un petit film d'animation nous la montre, sous la forme d'une pièce de cire blanche, entrer en rampant, alternativement M ou W, parmi les cubes de couleur qui figurent les autres protagonistes. Enfin le verdict tombe, le coupable est condamné à deux années de relégation. Le vieillard, face à nous, tout près, accueille dignement la sentence et, choisissant le lieu de son exil, il prononce le dernier mot de l'ouvrage, faisant résonner le nom comme s'il donnait le titre du drame (qui viendrait à la fin) : Batalha.