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Musiciens de verre

Anna meurt. Henri est partagé entre le chagrin et la calme satisfaction de prendre part à ce deuil si beau. Sur l'autre rive, il aide le menuisier à bâtir le cercueil.

A la hauteur de la tête, le menuisier avait, selon la coutume, pratiqué une ouverture munie d'une glissière, de sorte qu'on pouvait apercevoir le visage, jusqu'à ce que le cercueil fût mis en terre. Il ne s'agissait plus que d'y insérer une vitre ; or, on l'avait oubliée et j'allai à la maison en chercher une. Je savais qu'il y avait sur l'amoire un petit cadre ancien dont la gravure avait depuis longtemps disparu. Je pris le verre oublié, le plaçai avec précaution dans le canot et m'en revins. (...) Comme (la vitre) était pleine de poussière et noircie, je la plongeai dans l'eau claire et je la nettoyai avec soin, sans la briser contre les pierres. Puis je la levai en l'air pour en faire couler l'eau pure ; alors tandis que je tenais devant le soleil le verre lumineux, je découvris la plus délicieuse merveille que j'eusse jamais vue. C'étaient trois petis anges musiciens ; celui du milieu tenait une feuille de musique et chantait, les deux autres jouaient de la viole et tous levaient les yeux avec allégresse et dévotion. Cette apparition était si aérienne et si délicatement transparente que je ne savais si elle flottait sur les rayons du soleil, dans le verre ou seulement dans mon imagination.

(Keller - Henri le Vert, trad. La Flize)

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