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Pas vu l'expo Klimt

Une dame (...) me demande si je m'exerce à l'analyse de mes songes, comme il se fait dans l'Europe centrale où il n'est point de personne bien née qui manque, chaque matin, à retirer de ses propres gouffres quelques énormités abyssales, quelques poulpes de forme obscène qu'elle s'admire d'avoir nourris. (Valéry - Petite Lettre sur les mythes, Variété 2)

Il n'est pas si tard quand je sors du cinéma (ayant vu A travers la forêt, de Civeyrac ?). Je décide d'aller au Grand Palais voir l'expo Klimt. C'est une bonne idée : malgré l'affluence, il n'y a personne à l'extérieur. En revanche une certaine agitation devant les caisses. On court pour être les premiers au guichet. Avec raison : l'accès est limité par un quota, bientôt atteint. Je règle difficilement le prix d'entrée (2 euros 13) car les pièces jaunes que je pose sur le comptoir s'avèrent être presque toutes des dollars américains (les lettres US se détachent dans la lumière rasante). L'employée qui toujours s'exprime avec réticence, me montre un reçu de carte bleue et m'annonce une attente d'un quart d'heure : il ne reste que deux places ; elles ne sont pas pour moi puisque je suis seul.

J'entends qu'on m'appelle. C'est une jeune femme blonde, élégante, les cheveux courts, qui était assise au fond du hall sous les fenêtres extérieures. Un type l'accompagne, trois pas en arrière, rond et jovial, acquiesçant à tout ce qu'elle dit. Elle me connaît, je ne la reconnais pas. On s'est rencontrés « aux trois jours » d'un séminaire de formation « en résidentiel ». La conversation se poursuit dans un café. Elle a pris place sur une banquette vert bronze ; au-dessus d'elle un miroir. Elle évoque des souvenirs communs : on avait passé une soirée dans un restaurant de cuisine exotique ; on avait essayé le ragoût de singe (?). Une mauvaise idée : que des os, pas de viande. Elle répète ce qu'elle disait alors, combien dans ce séminaire elle m'enviait ma réussite, alors qu'elle, elle échouait. Elle échoue encore (comme son allure, son assurance, la cour qui la sert démentent ses paroles !). Le récit de ses malheurs prend un tour plus intime : elle raconte ses démêlés avec sa mère, qui la dénigre systématiquement. L'autre jour encore, s'entendre dire (je cite) : « hier déjà sur la poupe, aujourd'hui une pouf' ! »

Mais je me suis éloigné. Mon siège lui tourne le dos. Des têtes hilares sont venues s'intercaler entre elle et moi. Comme il s'agit de montrer Paris au cousin de Province (le gros jeune homme en costume qui l'accompagne), ils parlent d'aller voir les illuminations de l'Opéra.

Ici c'est une caricature de Veronica Lake qu'on écoute : grasse et luisante (comme Circeto ?), elle fait des discours sur sa coiffure, une masse de cheveux laqués, des mèches grises et jaunes avec des crans. Je me souviens alors que j'ai oublié ma serviette bourrée de papiers, très lourde, devant la caisse du Grand Palais. Il est trop tard pour voir l'expo. Je vais rentrer chez moi.

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