Chardin, Raisins et Grenades au musée du Louvre.
(Comme souvent, dans les natures mortes de Chardin, les êtres et les objets vont par paires. Les deux verres, ou les deux fruits, se côtoient comme s'ils étaient l'un le reflet et l'autre la chose reflétée, posée tout contre la vitre du miroir. Ce miroir imaginaire a été escamoté par la représentation mais il a laissé, dans l'espace uniforme, un agencement propice aux métamorphoses ; il retarde ou il avance : enlevant du rouge ici, en ajoutant là, il vide le verre de vin et fait mûrir symétriquement la grenade jusqu'à ce qu'elle s'ouvre et laisse voir la chair.
Le reflet est l'un des modes de l'atmosphère englobante qui tient toute l'étendue du tableau et réalise l'unité de ses parties. Ici le miroir est fictif, ailleurs il est matériel, comme dans le Gobelet d'argent. Le Rouge est aussi par excellence cela qui se reflète : une pomme se dédouble dans la paroi concave du gobelet. Sa forme s'altère dans la courbure du métal. A l'autre bord, la surface du bol devrait être opaque ; mais de la rencontre ressort la couleur rouge imprégnée à l'argile.)