Apparitions, mauvais présages, météores prodigieux, sorcières et revenants : l’auteur de la saga de Snorri montre un goût prononcé pour le fantastique. Mais ces phénomènes ne sont pas pour lui l’occasion de hausser le ton : les événements surviennent et sont décrits avec le même flegme narratif, la même neutralité, que les nombreuses scènes de combat ou que les recensions d’itinéraires ou de généalogies. Hommes et spectres sont de plain-pied au point que, pour conclure la grande affaire de sorcellerie qui frappe la famille de Kjartan, les hommes se débarrassent des revenants en leur intentant un procès, selon toutes les formes requises.
Ou encore cette autre sorte d'exorcisme :
Ce même soir à Froda, après que Thoroddr eut quitté la maison, on fit des feux et quand les gens se furent assis, ils virent une tête de phoque monter de la fosse à feu. Ce fut une servante qui s'assit la première et qui vit cette merveille. Elle prit un gourdin qui se trouvait à la porte et frappa le phoque à la tête. Il se dressa sous le coup (...). Alors, un domestique alla rosser le phoque, mais celui-ci se redressa à chaque coup jusqu'à ce qu'il tînt droit sur la nageoire caudale. Alors, le domestique tomba évanoui. (...) Alors le garçon Kjartan bondit, ramassa un gros frappe-devant et tapa sur la tête du phoque. C'était un fameux coup, mais le phoque secoua la tête et regarda alentour. Kjartan donna coup sur coup, et le phoque redescendit alors, comme si l'on enfonçait un clou. Il le frappa jusqu'à ce que le phoque fût descendu si bas qu'il tapait en même temps sur le sol et sur sa tête.