[Pélerinage à l'île de Cythère, de Watteau]
Les trois premiers couples semblent un seul, le même à trois moments successifs : l'homme agenouillé parle à sa compagne assise et recueillie ; debout, il l'aide à se relever ; ils s'en vont mais la femme s'attarde et contemple l'abri qu'ils quittent sous les arbres, la statue où est passé un carquois plein de flèches, l'enfant à son pied. Tout le cortège est un seul mouvement de droite à gauche (le sens du retour, contraire de la lecture) sur le chemin qui va de la divinité en forme de terme jusqu'à la barque dorée pilotée par deux nochers nus. Réticents, las, comblés, galants, avec leur longue canne de pélerins, ils descendent ensemble ; mais chacun diffère dans la pose que lui donnent à l'instant son caractère et son humeur. J'aime particulièrement (et je reviens souvent voir) l'homme en habit bleu brillant, à l'arrière-plan, au centre. Il se redresse, gonfle la poitrine, penche la tête ; il exulte, tourné vers la femme qui lui a pris le bras et lève le visage vers lui, contre son épaule.