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Deux enfants perdus dans la neige

Noël approche. Profitons-en pour relire un des plus beaux contes de Stifter Cristal de roche (éd. Jacqueline Chambon, trad. Bernard Kreiss).

Un petit village de montagne, très isolé. Trois heures de marche le séparent du bourg le plus proche, Millsdorf, dans une vallée plus importante. Le chemin emprunte un passage entre les hauteurs (« un pas »). Au point le plus élevé du trajet, dans la forêt, un embranchement suit la ligne de crête, mène au glacier et se termine au pied du sommet qui domine la région (nous ferons une seconde fois ce parcours).

Le village s'appelle Gschaid et la montagne blanche qui trône au-dessus de ses toits s'appelle Gars.

Les habitants de Gschaid sont contents de leur situation. Ils sont attachés à leur isolement qu'ils s'emploient à conserver, immuable comme le retour des saisons tel qu'il se peint dans le paysage sublime qui les entoure. Dans ce monde, il faut peu de chose pour passer pour un excentrique : ainsi le cordonnier, qui a voyagé, qui dans sa jeunesse a porté un chapeau avec deux plumes (au lieu du chapeau noir de rigueur) et un loden trop court, qui a pris pour femme une habitante de Millsdorf. Malgré l'admiration que les villageois ont pour la capacité de l'artisan et le respect qu'ils témoignent à sa femme, celle-ci et leurs deux enfants restent considérés par le village comme des étrangers ; cette appréciation n'implique rien d'hostile.

Aucune méchanceté ; dans cet univers apparemment paisible, aucune violence. Seuls deux détails muets : le souvenir de la tête ensanglantée du cordonnier, blessure de jeunesse qui restera inexpliquée ; la stèle du chemin de Millsdorf qui se dresse sur un poteau rouge au niveau du pas, et marque le départ du sentier qui file vers la montagne : elle rappelle la mort accidentelle d'un boulanger en cet endroit.

La veille de Noël le temps est doux, presque beau malgré la brume qui couvre le ciel. Le cordonnier et sa femme envoient leurs enfants chez les grands-parents à Millsdorf. C'est déjà une habitude : en dépit de la distance et de leur âge (ils n'ont pas dix ans), le frère et la sœur partent seuls, à pied. A l'aller ils remarquent que la stèle de l'accident est tombée (le bois du poteau est pourri). A Millsdorf, comme les journées sont courtes, la grand-mère donne le signal du retour dès la fin du déjeuner. Le temps est resté inchangé toute la journée mais, alors que les enfants sont arrivés à mi-pente, les flocons commencent à tomber. Le frère et la sœur entrent dans la forêt tout en jouant avec la neige qui rapidement recouvre le chemin, obscurcit la vue. Cependant leur marche se prolonge plus que de coutume, ils ne reconnaissent pas leur route ; elle continue de monter au lieu de redescendre vers Gschaid.

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