Ah ! Vienne 1900 ! Du temps de mon adolescence, dans un milieu sans culture, mais non sans prétention à la culture, la Vienne du début du XXème avait des allures de Parnasse moderne, de patrie spirituelle. A partir sans doute de l'exposition Vienne, l'Apocalypse joyeuse à Beaubourg (en 1986), il y avait cet ensemble faramineux de noms, qui promettaient des œuvres géniales, sauvées de la catastrophe, entre tradition et rupture, anciennes et neuves, accessibles et étranges : Mahler, Schönberg, Berg, Webern, Hofmannsthal, Schnitzler, Roth, Musil, Broch (et Kubin, Canetti, voire Bernhard), Klimt, Schiele, Otto Wagner, Adolf Loos. Naïvement je pensais : tout est là, et ce que je découvrais alors : Mahler, la Lulu de Berg, l'Homme sans qualités, était à la hauteur de cette promesse.
Lors de mon premier séjour à Vienne, j'ai couru au Belvédère voir le Baiser de Klimt (et suis passé sans les voir devant les Bruegel du Kunsthistorisches Museum ; maintenant, c'est l'inverse). Mais est-ce que cela me plaisait vraiment ? En tout cas, quinze ans plus tard, visitant l'expo du Grand Palais, j'ai du mal à me passionner pour cette peinture. Les paysages de Klimt ? Les visions urbaines de Schiele ? (qui rappellent cet "empire des choses périmées" dont parle Kubin dans l'Autre Côté). Mosaïques, froissements et déchiquetages léchés, macabre aimable ... Non, puisqu'il est question de peinture à Vienne en 1900, j'ai plutôt envie de revoir l'autoportrait de Gerstl (qui n'est pas au Grand Palais).