Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Everything, finally, is sex

En relisant Le Tour d'écrou, je tombe sur des pages qui me remettent en mémoire les paroles du narrateur de Jeunesse de Coetzee : Even Henry James, on the surface so proper, so Victorian, has pages where is darkly hints that everything, finally, is sex.
Par exemple ce passage où la gouvernante et Mrs Grose discutent du caractère du petit Miles, dix ans (remarquez que ce dernier n’est jamais explicitement nommé) :

"I take what you said to me at noon as a declaration that you've never known him to be bad."
She threw back her head; she had clearly, by this time, and very honestly, adopted an attitude. "Oh, never known him--I don't pretend that!"
I was upset again. "Then you have known him--?"
"Yes indeed, miss, thank God!"
On reflection I accepted this. "You mean that a boy who never is--?"
"Is no boy for me!"
I held her tighter. "You like them with the spirit to be naughty?" Then, keeping pace with her answer, "So do I!" I eagerly brought out. "But not to the degree to contaminate--"
"To contaminate?"--my big word left her at a loss. I explained it. "To corrupt."
She stared, taking my meaning in; but it produced in her an odd laugh. "Are you afraid he'll corrupt you?" She put the question with such a fine bold humour that, with a laugh, a little silly doubtless, to match her own, I gave way for the time to the apprehension of ridicule.

On trouve dans ce dialogue une des armes favorites des personnages jamesiens : la phrase en suspens. C’est une façon de désarçonner son interlocuteur qu’on rencontre souvent, je crois, dans la vie de tous les jours. A l’autre de finir la phrase ou de proposer un sens, au risque de dévoiler sa pensée, et d’en trop dire, alors que vous restez dans l’ombre confortable de l’ambiguïté. Ici c’est successivement la gouvernante puis Mrs Grose qui tire ; avec l’avantage à cette dernière, quand la gouvernante est contrainte de lâcher une énormité : le mot ‘corrupt’, pour désigner les entreprises du garçonnet.
Mais la gouvernante n’a pas dit son dernier mot. Dans le deuxième round, elle choisit une autre arme dans l’arsenal de l’ambiguïté jamesienne : le pronom personnel. Qui donc se cache derrière ce ‘il’ ? Le petit Miles, son oncle séduisant, ou bien le double de celui-ci, le maléfique Quint ?

But the next day, as the hour for my drive approached, I cropped up in another place. "What was the lady who was here before?"
"The last governess? She was also young and pretty--almost as young and almost as pretty, miss, even as you."
"Ah, then, I hope her youth and her beauty helped her!" I recollect throwing off. "He seems to like us young and pretty!"
"Oh, he did," Mrs. Grose assented: "it was the way he liked everyone!" She had no sooner spoken indeed than she caught herself up. "I mean that's his way--the master's."
I was struck. "But of whom did you speak first?"
She looked blank, but she coloured. "Why, of him."
"Of the master?"
"Of who else?"

Cette fois-ci, la gouvernante a gagné ; elle a enrôlé Mrs Grose dans son délire ; les fantômes peuvent apparaître.
Pour conclure, voici un autre extrait du Jeunesse de Coetzee qui prolonge ce que j’ai essayé de dire, appliqué aux dialogues de la Coupe d’Or ou des Ailes de la Colombe :

People in James do not have to pay the rent ; they certainly do not have to hold jobs ; all they are required to do is to have super-subtle conversations whose effect is to bring about tiny shifts of power, shifts so minute as to be invisible to all but the practised eye. When enough of such shifts have taken place, the balance of power between the personages of the story is (Voilà !) revealed to have suddenly and irreversibly changed. And that is that : the story has fulfilled its charge and can be brought to an end.

(A peu près : Dans les livres de James les gens n’ont pas de loyers à payer  ; ils n'ont bien évidemment pas besoin de travailler ; tout ce qu’on leur demande, c’est d’avoir des conversations hyper-subtiles qui ont pour effet de provoquer de minuscules transferts de puissance, des transferts si infimes qu’ils sont invisibles sauf à l’œil exercé. Quand un nombre suffisant de ces transferts a eu lieu, le rapport de forces entre les personnages s’avère (Voilà !) avoir été modifié de façon soudaine et irréversible. Et tout est là : le récit a rempli son rôle et peut s’achever).

Les commentaires sont fermés.