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Le voyage d'Astolphe dans la lune

Les fleuves, les lacs, les campagnes sont là-haut tout autres que ceux qu'on voit chez nous. Les plaines, les vallées, les montagnes sont toutes différentes. Il en est de même des cités et des châteaux. Le paladin n'avait jamais rien vu jusqu'alors, et depuis ne vit jamais rien de si beau. Il y a de vastes et sauvages forêts, où les nymphes chassent éternellement les bêtes fauves.

Le duc ne s'arrêta pas à examiner tout ce qu'il voyait car il n'était point venu pour cela. Le saint Apôtre le conduisit dans un vallon resserré entre deux montagnes. Là, ô merveille ! était rassemblé tout ce qui se perd par notre faute, ou par la faute du temps ou de la Fortune. Tout ce qui se perd ici-bas, se retrouve là-haut.

(...) Là-haut sont accumulées les réputations que le temps dévore à la longue comme un ver rongeur ; les prières et les voeux que nous, pécheurs, nous adressons à Dieu.

Les larmes et les soupirs des amants, le temps inutilement perdu au jeu, la longue oisiveté des hommes ignorants, les vains projets qui ne se réalisent jamais, les désirs inassouvis, sont en si grand nombre qu'ils encombrent la plus grande partie de ces lieux. En somme, ceux qui montent là-haut peuvent y retrouver tout ce qu'ils ont perdu.

(...)

Astolphe retrouva là de nombreux jours perdus par lui, de nombreuses actions qu'il avait oubliées. (...)

(L'Arioste, Roland Furieux -- trad. F Reynard).

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