La Frauenkirche de Dresde vient d'être reconstruite. Autour d'elle un quartier, nouveau et ancien, s'élève, pastiche et restitution des rues qui l'entouraient avant la catastrophe. L'édifice lui-même (aux lignes lisses, sans jeu et sans défaut) est quelque peu accablant. Le dôme en pierre s'encastre dans les murs qui le soutiennent ; ils forment ensemble une énorme cloche d'une seule matière, lourdement posée au sol, entrouverte par des portes et des fenêtres étroites. L'unité compacte n'est guère dérangée que par la bigarrure des pierres : parmi les blocs fraîchement taillés sont insérés d'autres noirs de crasse et de fumée (comme la plupart des monuments de la ville, qui n'ont pas été nettoyés). On comprend qu'il s'agit de pierres tirées des ruines et remises à leur place ou bien de pans qui étaient restés debout malgré l'effondrement.
(Un autre contraste de ce genre, moins visible, dans les palais, les églises et les musées : les bâtiments ont souvent été lourdement endommagés par les bombardements ; ils ont été depuis admirablement restaurés. Mais les oeuvres d'art qu'ils contenaient, ayant été mises à l'abri, sont revenues les mêmes, intactes. Les choses les plus fragiles se sont révélées les plus durables. Un désaccord ténu sépare ces objets des parois et des voûtes autour d'eux : comme si, malgré l'apparence, ils ne recelaient plus la même quantité de temps.)