Concert à la Cité de la Musique, l'Art de la fugue (selon l'Esprit de l'escalier, je ne pouvais pas rater ça).
J'avoue ne pas avoir été satisfait de la première partie : j'avais l'impression que la sonorité du quatuor à cordes ne convenait pas à la musique (lignes trop épaisses, confusion des sons, déploiement indistinct, « centripète au lieu de centrifuge »). Sans compter un certain nombre de « catastrophes » : partitions éparpillées, trilles d'une sonnerie de téléphone, contrepoint interrompu brutalement par le violoncelliste, pas content, et repris da capo.
Dans la seconde partie (qui commençait après le contrepoint n°11), la formation se métamorphose : instrumentistes par deux (second violon et alto, premier violon et violoncelliste), puis par trois. Pour finir le second violon ouvre la petite valise qu'il a apportée à l'entracte, posée derrière lui sur une chaise, et en sort ce qui ressemble à un deuxième alto (j'aime bien le côté théâtral de cette transformation ... comme l'arrivée de la soprano dans le deuxième quatuor de Schönberg).
Alors j'étais dans la musique. Sans comprendre, je cherchais une image : peut-être celle d'êtres endormis, côte à côte, ensemble dans une seule nuit mais séparés par le sommeil ; l'un et l'autre rêvent et leurs rêves parallèles, incommunicables, ne font qu'un. Ou, plus exactement, je me souvenais, mal, des derniers vers d'un poème de Bonnefoy (Les arbres, dans Ce qui fut sans lumière) :
(...)
Comme, avançant le bras, on peut toucher
Parfois, dans la distance entre deux êtres
Un instant du rêve de l'autre qui va sans fin.
Mais plutôt que des vers, il semble que l'usage licite soit d'associer à cette œuvre un système de notation musicale (B, A, C, H) ou des sommes alphabétiques (B(2)+ A(1) + C(3) + H(8) = 14).